Au Gabon, les produits dépigmentants contenant des substances dangereuses poursuivent leur progression sur le marché, malgré un encadrement juridique de plus en plus strict. Entre réseaux sociaux, boutiques en ligne et marché informel, la commercialisation de cosmétiques interdits demeure un phénomène difficile à enrayer.Pourtant, le cadre légal ne laisse aucune ambiguïté.
Depuis l’Arrêté n°000002/MSAS/CAB du 11 octobre 2023, l’introduction sur le marché de tout produit cosmétique contenant du mercure ou d’autres composants toxiques est formellement proscrite. Un texte qui vise à protéger les consommateurs contre des ingrédients susceptibles de provoquer de graves lésions cutanées, des atteintes rénales, des troubles neurologiques ou des intoxications sévères.
Le Code pénal, à travers son article 361, va plus loin encore en assimilant la vente de ces produits à une atteinte à l’intégrité physique. Les contrevenants s’exposent à des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 50 millions de francs CFA d’amende. Des sanctions lourdes qui traduisent la gravité des risques pour la santé publique. Avec l’essor du commerce en ligne, les circuits de distribution se sont toutefois modernisés. La Loi n°027/2023 du 11 juillet 2023 sur la cybersécurité et la lutte contre la cybercriminalité intègre désormais la vente électronique de produits illicites.
Son article 69 prévoit cinq ans de prison et 10 millions de francs CFA d’amende pour toute mise à disposition d’une substance interdite via Internet. Les vendeurs en ligne comme les plateformes hébergeant ces contenus peuvent être poursuivis. Malgré ce cadre répressif, la dépigmentation volontaire — connue localement sous le nom de « Kwandza » — reste très répandue. Cette pratique, alimentée par des normes esthétiques profondément ancrées où la peau claire est perçue comme un symbole de beauté ou de réussite, continue de séduire de nombreux consommateurs.
Les produits éclaircissants contenant du mercure, souvent présentés comme des solutions « rapides » ou « miraculeuses », exposent pourtant à de graves complications : brûlures, lésions irréversibles, insuffisances rénales, affaiblissement du système immunitaire. La majorité des utilisateurs ignorent les véritables composants de ces crèmes, tandis que certains vendeurs dissimulent volontairement la composition ou minimisent les risques.
Face à cette réalité, les textes seuls ne suffisent pas. La lutte contre les produits éclaircissants toxiques nécessite un engagement collectif. L’AGANOR est appelée à renforcer ses contrôles, tandis que des campagnes de sensibilisation doivent cibler un public souvent mal informé. Le défi est également culturel : tant que certaines représentations sociales valoriseront la peau claire, le marché parallèle restera florissant.
La lutte contre le « Kwandza » dépasse ainsi la simple répression. Elle concerne la santé publique, l’estime de soi et la protection des citoyens. Interdire ne suffit pas : il faut comprendre, prévenir et accompagner. Le véritable changement surviendra lorsque toutes les carnations seront valorisées et que la beauté cessera d’être un risque.
Par Noeline Joyce – 24 Novembre 2025



